lundi 2 juin 2008

Bibliothèques = mouroirs ?

Je rejoins point par point OT dans son post sur le 1er mai.

Je suis sidérée par la violence de certains commentaires laissés dans la biblioblogosphère. Aucune discussion n’est alors possible, tout semble figé dans un mépris qui me fait sincèrement peur. Ce qui est effrayant, c’est que cette dualité (bibliothécaire-bien-pensant-gardien-du-temple-du-savoir/bibliothécaire-qui-vit-avec-son-temps) est aussi ancrée dans la vie d’une bibliothèque.

En tant que professionnels des bibliothèques, nous sommes censés avoir la même culture professionnelle, le même langage professionnel mais les relations au quotidien, lors des réunions par exemple démontre ce fossé où il est parfois impossible de communiquer.

Et on avance à reculons. L’intérêt du public là-dedans ? La notion même de service public s’évapore et jette le discrédit sur notre profession. J’en ai mal au ventre. Quelle perte de temps et d’énergie inutile.

Non les bibliothèques ne doivent pas être des mouroirs mais des lieux de vie où la documentation et les bibliothècaires sont vivants.

A part quelques rares ovnis, les « professionnels » de bibliothèques font peur à voir en réalité. Tout d’abord personne ne s’entend sur ce qu’est le métier de bibliothécaire et cela fait toujours l’objet de vifs débats. Les conflits générationnels n’arrangent pas les choses et dans de trop nombreuses bibliothèques les professionnels s’encroûtent (il n'y a pas d'âge) et se laissent submerger par le poids du quotidien.

Je me souviens de cours à l’IUT Info-com option Métiers du livre à Paris sur l’accueil du public, la communication (avec même des cours de théâtre) avec mise en situation de lecteurs particulièrement pas sympas. Je me souviens aussi du recrutement dans cet IUT : dossier + épreuve écrite de culture gé + classement de cartes postales + enfin un entretien collectif. Cette avant-dernière épreuve, je n’ai pas bien compris sur le moment à quoi elle servait. Mais ce mode de recrutement est logique et tombe maintenant sous le sens : le métier de bibliothécaire demande un minimum de culture gé (surtout il est important de savoir où trouver l’info qu’on ne connaît pas), de la logique et de la rigueur, de la curiosité et enfin une aptitude certaine à communiquer.

Sur les 3 catégories de personnels qui travaillent en bibliothèque, seuls les B (souvent les BAS) possèdent une formation initiale techno-bibliothéconomique. Ils ont même souvent poussé les études au-delà de Bac +2 et ont en poche des diplômes spécialisés non reconnus par la profession (à quoi cela sert-il d’être Ingénieur-Maître en Ingénierie documentaire ? Hein , je vous le demande). D’où ce fossé entre les B et les A où les B ont l’impression de réinventer l’eau chaude constamment.

Une grande majorité de A a passé le concours pour le statut social (oui, il y en a qui se croient encore vivre au XIXème siècle), d’autres sont des bêtes-à-concours (tous frais moulus de Sc Po), d’autres encore sont des reconvertis de l’Education nationale et j’en passe. Quelques rares enfin ont la vocation.

Combien sont les personnels de bibliothèque vraiment heureux d’exercer leur métier ? Combien sont ceux qui l’ont choisi par conviction personnelle et vocation ? Certes, il existe un problème de formation et les épreuves de recrutement par concours laissent à désirer et sont vraiment perfectibles. Mais peu d’entre nous aimons vraiment notre métier ou alors s'ils l'ont un jour aimé, même pendant des années, ils sont aujourd'hui tellement dégoûtés qu'ils ont baissé les bras face à une bibliothèque justement devenue mouroir.

Comment faire évoluer tout ça ? J'avoue qu'en ce moment je n'ai pas de solutions... mais j'y crois encore grâce aux paroles et actes de professionnels qui bougent, qui tiennent un discours positif, qui regardent ce qu'il se passe autour d'eux, qui expérimentent, qui prennent des risques, qui jouent la franchise et qui enfin ont le mérite d'exister. Merci à eux.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

roh la la pas très optimiste tout ça ...
plutôt que mouroir, y'a un petit effet démographique. dans certaines bibliothèque la moyenne d'âge est de 50 ans. du coup ça n'encourage pas trop à l'innovation. mais c'est en train de changer !
faut pas se décourager

Pitseleh a dit…

Cette note de pessimisme est tout à fait logique étant donné les contrastes décrits au niveau du personnel. J'y ajoute un contexte où les bibliothèques se devront bientôt de tout faire, à toute heure, de tout avoir (et en multi-exemplaires s'il vous plait) tout en étant considérées comme quantité négligeables tant au niveau politique que budgétaire (hormis pour les grandes inaugurations précédent des élections municipales). N'ayant jamais été doué pour multiplier les pains, j'irai dès l'année prochaine mettre ma passion au service de bibliothèques d'un pays différent où j'aurai - peut être - un peu moins la désagréable impression d'être pris pour un imbécile.

Yvonnic a dit…

J'ai lu les résultats d'une enquête il y a quelques années comme quoi 80% des Français considéraient qu'ils ne faisaient pas le métier qui leur plaisait ou qu'ils auraient choisi. Je ne vois pas pourquoi les bibliothèques y échapperaient. Ceci dit ce n'est pas une consolation. Et c'est vrai que les bibliothèques qu'on nous promet, type idea stores, ne sont pas franchement encourageantes. Comme dit Pitseleh : tout faire, à toute heure...et j'ajouterais : en étant "performant" et jugé là-dessus.
Partir ? Pourquoi pas, mais est-ce que c'est mieux ailleurs ? Moi je suis trop vieux. Mais si les jeunes partent et qu'il n'y a que les vieux qui restent, ça va pas arranger le paysage.

AM a dit…

@ france : le problème n'est pas seulement démographique (bien que des collègues sur le départ valent le coup d'être connus). C'est aussi le recrutement de jeunes cons' (ervateurs), du moins dans ma bibli. Par conséquent, le changement dans ce contexte me fait plutôt penser à "no future".

@ pitseleh : j'en ai rêvé : aller au Canada voir leurs superbes bibliothèques. Mais maintenant que j'ai une petite famille qui va bientôt s'agrandir, c'est difficile de tout plaquer pour de meilleurs horizons. Cependant, je suis d’accord à 100% sur la désagréable impression d’être prise pour une imbécile par des personnes qui n’ont suivi que 12 à 18 mois d’études à l’ENSSIB (je ne mets pas tout le monde dans le lot, j’en connais des qui méritent le détour, sans parler des Chartistes) alors que j’en ai suivi 4 et ai été reconnue par des pairs comme Ingénieur maître en Ingénierie documentaire. Là où je suis certainement imbécile c’est justement de n’avoir pas réussi un concours de catégorie A. C’est pas faute d’avoir essayé (liste complémentaire de Bibliothécaire d’Etat en 2002 ; reçue au concours de Bibliothécaire territorial en 2005 et pas trouvé de poste…). Je vais bien finir par y arriver.

@ Yvonic : tout est affaire de compétences et de moyens car comme le dit justement pitseleh, les bibliothèques sont « considérées comme quantité négligeables tant au niveau politique que budgétaire ». Je ne suis pas contre envisager de nouveaux concepts.
Partir, c’est vrai, est-ce mieux ailleurs ? J’ai connu mieux et je ne veux pas attendre 5, 10, 15 ans que le changement arrive. Surtout quand le quotidien se transforme en cauchemar par manque cruel de moyens et de compétences. Sans doute suis-je encore un petit scarabée qui a encore beaucoup de choses à apprendre mais en restant j’ai l’impression de régresser.