lundi 12 novembre 2007

Méditations sur le métier

Je me souviens d'une conversation que j'ai eu un jour avec un conservateur dans un lieu propice aux méditations sur le métier : des magasins situés en sous-sol d'une bibliothèque de droit après une journée de travail sur les collections, les doigts incrustés de poussière mais avec le sentiment d'avoir participé à améliorer le fonds documentaire pour que les usagers s'y retrouvent mieux. Il était question de savoir si dans 10 ans j'aurai toujours la même motivation et le même sens du service au public.

Presque 10 ans sont passés. Et aujourd'hui je repense à cet échange. J’ai comme un goût d’amertume mais je n’ai pas fini d’apprendre (heureusement). Juste un constat : l'immobilisme hiérarchique, la crainte de prendre des décisions, de prendre des risques, de passer à l'action minent au quotidien et grignote lentement mais sûrement la motivation des agents les plus motivés. La bibliothèque est un service public et souvent beaucoup d’entre-nous avons tendance à l’oublier. Il m’arrive donc d’avoir parfois l'impression de travailler à contre courant. L'énergie qu'il faut déployer pour convaincre épuise surtout quand des maladresses de management s’en mêlent. L’impression de réinventer l’eau chaude régulièrement est également pesante. Seuls les rares retours positifs du public, et quand ils sont écrits c'est encore mieux, me redonnent du courage et me rappellent que oui, je suis bibliothécaire, que oui, cette petite flamme intérieure ne s’éteindra pas de sitôt.

Avant d’être bibliothécaire, j’ai d’abord voulu être libraire car répondre à une recherche d’un client en sortant directement le livre recherché des rayons (comme par magie…) et voir dans les yeux du-dit client des étoiles et un large sourire était pour moi ce qui représentait la quintessence du métier. L’angoisse du chiffre d’affaire m’a conduit plutôt vers le service public et donc vers les bibliothèques et sans regrets. Ce n’est pourtant pas la paye à la fin du mois où l’avancement d’une lenteur à pleurer qui motivent.

Juste un petit souvenir du temps où je voulais devenir libraire qui m’a marqué et me poursuit encore : alors que j’effectuais un stage, un libraire m’a résumé le métier de la manière suivante : 20% de travail intellectuel et 80% de manutention. Bien que de nombreux services en ligne se développent (services de référence en ligne, périodiques électroniques…), cette partie manuelle, il ne faut surtout pas l’oublier. Un exemple parmi d’autres : rien ne me fait plus hurler que de voir des bibliothécaires faire des acquisitions sans sortir de leur tour d’ivoire. Quoi ? aller dans les magasins et en salle de lecture, faire du prêt, ranger les livres, faire du désherbage ? Quelle horreur (c’est malheureusement du vécu et ça se passe au XXIème siècle). Et pourtant, c’est en ayant eu les mains incrustées de poussière que l’on sait voir les étoiles dans les yeux du lecteur. C’est pourquoi j’ai choisi ce métier, pourquoi je vais travailler tous les jours et pourquoi j’ai envie de continuer même si la tendance dans le métier est de se prendre un peu trop au sérieux tout en refusant l’action de peur, et je me répète, de prendre des risques. Les bibliothèques et le métier évoluent à grande vitesse heureusement et c’est tant mieux mais de grâce, n’oublions pas le public.

Depuis cette conversation il y a 10 ans, mes pas professionnels m’ont amené à travailler dans d’autres bibliothèques avec d’autres conservateurs. Rares étaient ceux qui possédaient ses qualités humaines et professionnelles.

3 commentaires:

Pitseleh a dit…

L'équation est connue, notamment dans les grandes bibliothèques municipales : plus on est haut placé, moins on voit d'usagers...

AM a dit…

… et c’est là un des grand malheurs des bibliothèques. Parce que ce sont les haut placés qui dirigent, organisent, managent et prennent des décisions qui ont une influence sur le service public.

Comme vous le dites si bien dans votre post Bibliothèques : le buisson ardent cache la forêt d'embrouilles leur recrutement est fait de telle manière que « Si vous êtes doués en dissertation et en culture générale, vous avez des chances de les réussir sans avoir jamais mis les pieds dans une bibliothèque... Il restera donc 5 jours pour tenter de transformer une bête de concours en bibliothécaire compétent. » ceci est valable pour la fonction publique territoriale mais malheureusement aussi pour la fonction publique d’Etat (certes la formation est plus longue mais le résultat n’est pas toujours à la hauteur). Posséder une culture encyclopédique ne donne pas forcément un bon bibliothécaire et le public dans tout ça ?

Toutefois, il existe des exceptions. Mais là aussi, il faut tomber sur la bonne bibliothèque… car certains se concentrent dans les mêmes établissements, villes ou régions connus de tous.

Anonyme a dit…

heureusement, il y a des exceptions !
le conservateur de ma ville (chef-lieu de département) est à l'accueil et aux retours chaque samedi. Je trouve cela "magnifique" !